mercredi 7 novembre 2012

Une semaine en été à Venise

lundi 30 juillet



Attablée à l'Ae Oche, à deux pas du studio, j'attends mon premier plat de pâtes en sirotant un verre de vinho blanco. Me voilà à Venise, via Milan. Parties K. et moi de Bordeaux à la mi-journée, nous avons pris l'avion jusqu'à Milan puis un bus nous a déposé à la gare où nous avons pris un train pour Santa Lucia à Venise.






Sortir de la gare à 20h10 et embrasser du regard pour la première fois le Grand Canal dans les dernières lueurs du jour est tout simplement sublime. Le calme de l'eau, la couleur des murs, les dégradés de vieux rose dans la douceur du soir, Venise est, d'entrée, un enchantement. Nous déambulons le nez en l'air, trainant notre valise à travers les ruelles et les ponts pour rejoindre l'appartement à pied.


campo san giacomo dell'orio à deux pas de l'appartement

Daniela nous voit arriver du fond de la ruelle, sa silhouette se découpe à contre-jour. Elle parle un mélange d'italien, français et anglais, bien pratique pour nous qui ne connaissons pas sa si belle langue. Elle a chaud et quand nous finissons le tour du propriétaire, elle nous prévient que si nous avons besoin d'elle la journée, elle sera au Lido et elle ne pourra pas se rendre rapidement auprès de nous. Son air accablé nous pousse à la rassurer : tout se passera bien, c'est sûr, et nous la saluons. A nous les ruelles du quartier Santa Croce ! Nous cherchons un restaurant et fuyons le premier qui ne peut nous accueillir qu'à l'intérieur avec la clim. Enfin attablées en terrasse et après que Karine soit retournée chercher la bombe anti-moustique, nous réalisons que nous sommes bien en train de fouler le sol de la sérénissime et que nous avons déjà succombé à son charme.
Après dîner, nous partons en direction du Rialto. Malgré la fatigue du voyage nous avons envie de flâner dans la ville. A mesure que nous quittons  notre quartier de Santa Croce les touristes se multiplient.
Campo San Polo, à peine dissimulé par une palissade, un grand écran réfléchit le dernier film de Pedro Almodovar "la piel que habito". Etrange anachronisme que cet accessoire moderne au milieu des pierres immuables.





Nous suivons la signalitique et rejoignons le canal où un ballet incessant de gondoles, taxis, vaporetti, rythme les abords du pont et du marché. La vision est hypnotique, les tourbillons que forment les bateaux, les lumières qui habillent les embarcations, les voix, la chaleur..... Alors le sommeil nous rattrape et nous faisons la route en sens inverse, avalées par le dédale des ruelles. J'écris ses dernières lignes dans le murmure du ventilateur en rêvant à une douche glacée.

Mardi  31 juillet

Je suis réveillée à 8H25 par le bruit des travaux dans l'immeuble d'à côté. La rue est si étroite qu'en ouvrant le volet, je me retrouve à quelques centimètres seulement d'un homme qui me tourne le dos. Il est juste derrière la grille en fer forgé qui protège toutes les fenêtres en rez de chaussée de la ville.



Nous nous habillons en vitesse et partons faire à deux pas les courses pour le petit déjeuner dans la coop del Campo San Giacomo Dell'orio, la place toute proche du studio. Nous ne croisons que des vénitiens dans ce quartier populaire à cette heure encore matinale.



Nous achetons des produits made in italie, sucre (et oui !), baïcolis (biscuits typiquement vénitiens), gressins, pâtes et prosecco pour le dîner de ce soir et tout ce qu'il faut pour petit-déjeuner. Nous sommes enfin prêtes à découvrir la ville. Nous retournons sur la place pour visiter l'église qui s'y trouve et y acheter le pass chorus qui nous permettra de visiter à moindre coût la plupart des églises qui nous intéressent. Dans celle-ci, le plafond de la sacristie est peint par Veronèse. La moindre église révélant des trésors de ce style nous commençons ici une orgie de grands maîtres.


Ce matin, nous visiterons le Canareggio, juste de l'autre côté du canal. Mais le traghetto qui devait nous éviter de faire un détour à travers les ruelles et les ponts n'est pas au rendez-vous... Qu'importe, la ville est un spectacle permanent.





Nous voilà Campo Del Ghetto Nuevo, au centre du Canareggio, place cabossée et superbe, lieu de pélerinage. Quand on se pose quelque part à Venise, le recueillement est instantané tant la ville inspire quiétude, solennité, si riche du poids de son histoire et de sa culture. Cet effet est d'autant plus fort sur cette place, symbole d'une population parquée, traquée jusqu'au coeur de  la Sérénissime, frappée par tant de fléaux à travers les temps. Peut-être aussi que la hauteur des immeubles (plus haut qu'ailleurs dans venise) accentue cette sensation d'être infiniment petit face à tant de splendeur.



Nos pas nous entraînent vers le rio di San Girolamo où nous prenons notre premier espresso. L'air est doux, une brise légère nous caresse. Nous écoutons les conversations des vénitiens, le trafic des bateaux sur le canal tout proche. Il fait bon vivre à Venise, ça semble une évidence.








Nous nous dirigeons plus au nord du Canareggio pour rejoindre l'église Madonna dell'Orto. Nous commençons par visiter le cloître attenant, lieu d'exposition. Les arches du cloître sont tendus de grands rideaux de toile blanche qui oscillent dans la brise. De gros citronniers en pots ornent chaque angle de la cour. Il y a très peu de touristes, nous avons tracé à l'opposé de la foule déversée chaque jour au sud de l'île. La Madonna dell'Orto, bijou gothique, abrite la tombe du Tintoret mais aussi deux immenses toiles du maître. Le jugement universel, l'adoration du veau ainsi qu'une très belle présentation de la vierge au temple. L'église elle aussi est délaissée par les touristes. Tant mieux pour nous !




Il est plus de midi. Nous achetons de quoi pique niquer dans une coop et rejoignons un jardin public tout proche, quasi désert à cette heure. Ombre et vent léger font de ce lieu un hâvre de paix dont nous profitons allégrement, alanguies sur un banc public rouge, couleur qui les caractérise à travers la cité.


une verrière transformée en ludothèque à l'intérieur du jardin public

Il est 14h, le soleil au zénith nous cueille à la sortie du parc. Nous nous approchons du canal de la fondamenta nueva au niveau de l'arrêt du vaporetto St Alvise. Odeur de l'eau, valse des bateaux, fraicheur de l'ombre.



Nous entrons dans l'église Santa Alvise, 3e des 16 que propose le pass chorus.  Petite église au plafond entièrement peint, elle est ravissante. Nous errons ensuite dans les ruelles en cherchant l'ombre, découvrant places, ponts et monuments au hasard. Une glace nous rafraîchit un instant. Nous nous écartons à nouveau des rues touristiques pour rallier, plus à droite, le même canal de la fondamenta nueva au niveau de F. te Nove, autre arrêt du vaporetto. Nous sommes en face de San Michele, l'île cimetière des vénitiens.  Le long du quai, un groupe de scouts bariolés rejoint en courant le bus de la lagune.


Deux églises nous attendent encore. De style renaissance cette fois. Santa Maria dei Miracoli, toujours dans le Canareggio, petit bijou de mabre, puis Santa Maria Formosa, dans laquelle je me retrouve nez à nez avec une martyre, enfin son cadavre embaumé dans un cercueil de verre.



Dehors la foule est plus dense, nous sommes redescendues dans le quartier San Marco. Nous approchons de la place et les touristes affluent. Soudain, au détour d'une minuscule calle, nous débouchons sur une marée humaine grouillant dans le plus bel écrin architectural qui soit. L'effet est saisissant mais il y a bien trop de monde pour admirer le lieu. La foule nous étouffe, nous rejoignons le bord du canal et admirons la Giudecca, de l'autre côté. Là je m'aperçois que mon apn a un souci : un V se dessine sur l 'objectif, gâchant les dernières photos. Je ne peux rien y faire, je devrais composer avec ça jusqu'à la fin du séjour... Cette mauvaise surprise s'ajoutant à la foule oppressante et à la chaleur nous fait fuir Saint Marc qui attendra que nous puissions l'apprécier à sa juste valeur.






Lasses et repues de tant de beautés, nous cherchons un bar pour déguster un spritz. Nous nous enfonçons jusqu'au Campo San Stefano où nous dénichons l'endroit idoine. Un savant mélange d'autochtones et des touristes, une terrasse à  l'ombre des bâtisses blanches et ocres, des garçons de café en noir et blanc. Premier spritz campari, c'est le paradis !



Nous repartons ensuite vers la place Saint Marc pour appréhender le lieu avec moins de touristes. L'orchestre du Florian s'installe, les pigeons amusent encore les photographes. La place est quelque peu défigurée par des travaux entrepris autour du campanile. Le soleil est voilé par un nuage capricieux... Décidément, le moment n'est pas encore à la magie du lieu. Nous reviendrons demain matin visiter la basilique dont les ors des plafonds attrirent le regard malgré les grilles closes à cette heure.






A nouveau le dédale des ruelles qui débouchent sur des places où des canaux révélant des palais plus féeriques les uns que les autres. La magie opère encore après une journée entière dans les jambes. Nous quittons petit à petit ce quartier Saint-Marc et remontons vers Santa Croce dont l'authenticité nous plait davantage. Quelle bonne idée d'avoir loué un studio dans ce quartier ! En chemin, nous achetons un pot de pesto pour agrémenter les pâtes que nous avons achetées le matin. Le prosecco est parfait, nous pouvons nous reposer dans le calme de la Venise des vénitiens.



Mercredi 1er aôut

Le réveil a sonné à 7h. Nous voulons faire quelques courses au marché du Rialto avant qu'il y ait trop de monde. Il fait déjà chaud et nous passons sans cesse de l'ombre des ruelles au soleil éclatant des fondamenti et des campi.




Nous achetons des pomorosi secchi, un melon, de la roquette, quelques tomates, quelques pêches.
Une belle oestria déserte à cette heure déplie tables et chaises en bois devant le canal où les bateaux déchargent les marchandises approvisionnant le marché et les boutiques alentour.






Nous buvons un café latte et machiatto dans le café del Doge, les tables sont accolées le long du mur de cette ruelle située derrière le marché. La grande majorité des clients a l'air de travailler dans le quartier, beaucoup restent au comptoir et ne s'attardent pas.



L'église des marchands, San Giovanni Elemosinario, que nous voulions visiter, est encore fermée. Dommage. Nous retournons vers l'appartement pour nous délester de nos achats. Je m'arrête Campo San Giacomo dell'Orio sur un banc pendant que K. va faire quelques courses au coop. Je suis installée devant le potager collectif du quartier où poussent, bien alignés le long de tiges de bambous, tomates, piments, aubergines.



A nouveau nous voilà place San marco où nous faisons très peu la queue et entrons dans le Saint des Saints.
Les mosaïques sont à couper le souffle, autant celles parées d'or qui habillent les dômes que celles, de mille éclats de marbre, patinées par les milliers de pas de pélerins à travers le temps, qui ornent les sols. Je fais brûler une bougie, nous nous asseyons un moment et regardons la valse du personnel préposé à l'allumage des cierges et au remplacement des bouquets fanés par des fleurs fraîches, impassible, alors que la foule piétine les gros tapis qui protègent l'oeuvre des artisans de l'éternité.



Dehors un grandi navi défigure le paysage. Il s'engage vers le canale della giudecca, cache la perspective, pollue et abîme la lagune en toute légalité. C'est une honte et j'invite le plus grand nombre à signer les pétitions qui circulent sur le web afin de lutter contre cette catastrophe écologique, ce tourisme imbécile.


Nous tournons le dos à San Marco. La foule débarque, le paquebot gache la fête.
Au détour d'une place, nous pénétrons dans l'église Santa Maria del Giglio riche de peintures du Tintoret père et fils. Nous admirons aussi une Vierge à l'enfant et St Jean signée Rubens, et seule oeuvre du peintre conservée à Venise. J'apprécie ces parenthèses dans la fraicheur des églises où le calme règne. Surtout dans ce quartier très touristique qu'est San Marco, où nous pouvons, le temps d'une escale sacrée, renouer avec la sérénité de la sérénissime.


Nous prenons le traghetto pour traverser le grand canal. Premiers pas sur l'eau, je suis comme une gamine qui va faire un tour de manège !


Nous débarquons tout près de santa maria de la salute, sur la pointe du bas de l'île. La chaleur devient féroce. Nous pique-niquons à l'ombre des maisons endormies, les pieds dans l'eau. Derrière nous, une famille de touristes fait halte autour de la fontaine. Les enfants s'inondent et sèchent aussitôt, remplissent leurs bouteilles, récupèrent allégrement pendant que les parents, pantelants, envisagent la suite du programme. Les moustiques ont pique-niqués en même temps que nous, nous poursuivons notre chemin. Je trouve 10€ par terre alors que je passe devant un hôtel de luxe. Il est temps de prendre un espresso à l'ombre et nous dégottons le café idoine au bord d'un canal. Puis en route pour le palais de Peggy Guggenheim. La bâtisse est fort belle et les jardins, parsemés d'oeuvres d'art, tout autant. Je déambule dans le palais, je monte et je descends les escaliers, me perdant dans les salles, revenant voir de plus près les oeuvres qui me plaisent le plus.


 J'apprécie plus particulièrement la tête de lit en argent réalisée pour elle par Calder ainsi qu'un Magritte "l'empire des lumières". J'ai un coup de coeur pour les peintures de Peegeen, la fille de Peggy, je fais là une belle découverte. J'écris ces lignes depuis la terrasse du palazzio, assise sur le garde fou du grand balcon qui embrasse le canal grande. A ma gauche une sculpture de Calder, le chien aux trois couleurs, à ma droite, jaillissant de la pierre des murs, trois têtes de lions rugissant vers le canal.


De passage dans la shop du musée, je retrouve le tableau de Magritte en carte postale et m'offre le livre qui retrace la vie et l'oeuvre de Peegeen, artiste peintre et femme malheureuse qui mourut d'une overdose de médicaments beaucoup trop jeune. Le livre croise des photos de son travail et des clichés d'elle et de sa famille. Sa vie fut inextricablement liée à celle de sa célèbre mère, ce livre me permettra de les découvrir toutes les deux.
La Salute, érigée en 1630 à la suite d'une épidémie de peste, s'offre à nos regards. Eglise blanche et ronde, face au grand canal, elle renferme des oeuvres du Titien représentant les saints.

j'ai pris cette photo le lendemain da ma visite, depuis un vaporetto

Punta della Dagona, entrepôts rachetés par Pinault, restaurés magistralement et abritant des oeuvres d'art contemporain sont la suite logique de notre déambulation. J'y retrouve avec plaisir une installation de Roni Horn, toujours sur le thème de l'eau, dont j'avais déjà pu admirer le travail sur le toit du MoMa de New York qui a fait l'acquisition de son réservoir d'eau en résine translucide. Je retrouve aussi des oeuvres de Chen Zen que j'ai découvert très récemment lors de l'exposition Shangaï ! à la Fondation Magrez de ma bonne ville de Bordeaux. De toute façon, rien que le bâtiment vaut le détour. Mais la clim qui y sévit, si elle nous rafraîchit une grande partie de l'expo, me pousse dehors sans avoir envie de m'arrêter au café. Je veux retrouver la chaleur de la ville que je devine derrière les grandes vitres de la Fondation ouvertes sur la lagune.

the boy with the frog - charles ray

Nous reprenons notre chemin  à travers le Dorso Duro pour nous poser enfin Campo Santa Margarita au caffe rosso. Je rédige en dégustant un spritz of course ! Quelle journée ! Il va falloir éviter le syndrome de Stendhal à tout prix, ce serait dommage de gâcher un si beau séjour. Venise m'émerveille chaque jour un peu plus, j'ai hâte de la dévorer des yeux encore et encore !

quelle classe à  l'heure de l'apéritif...
 
Ce soir nous dînons de melon, olives et d'une caprese arrosés d'une bouteille de prosecco que nous allons finir plus loin sur le bord du canal, les pieds dans le vide au dessus du canal. Ce sera notre rituel du soir.

Jeudi 20 août

Réveil 8h30. Les ouvriers travaillent à côté, les voisins se saluent sous nos fenêtres. Après le petit-déjeuner, nous buvons un macchiato tout près de l'appart, au bord d'un petit canal. Deux vénitiens sexagénaires se retrouvent là et s'offrent une ombra au comptoir. Il est 9h30.
Depuis notre table, nous observons un duo d'éboueuses. Pas facile de tracter ces engins à roulettes à travers la ville et ses innombrables ponts....


Nous rallions l'arrêt du vaporetto San Stae pour entamer notre visite côté canal. Nous voulions tout d'abord commencer par la visite de l'église San Stae, elle n'est hélas pas ouverte au public le matin, et ferme trop tôt le soir pour que nous arrivions jamais à la visiter...
Le vaporetto nous emporte le long du canal grande jusqu'à l'Arsenal. Balade nonchalante du bus fluvial qui zigzague d'une rive à l'autre au gré des arrêts. Le conducteur et son assistance qui officie à l'ouverture et à la fermeture du portail, ont l'air de ne pas se lasser du paysage majestueux qui s'offre à  leur yeux. Le Guggenheim, Santa Maria de la Salute, punta della dogana. Puis le canal s'élargit encore et devoile San Marco, le palais des Doges, le pont des soupirs....






Enfin l'arsenal (mais le voyage pourrait durer des heures qu'il ne lasse pas) et nous foulons à nouveau la terre ferme.






L'entrée de l'Arsenal est érigée de sculptures en marbre blanc dont le lion, incontournable symbole de la cité. Nous errons nez en l'air et nous perdons dans les ruelles. Du coup, nous remontons vers le Castello jusqu'à Santa Maria de Formosa que nous avons pourtant déjà visitée. Le lieu nous semble tout à coup familier et la foule de touristes nous fait réaliser que nous ne sommes pas dans la bonne direction et que San Marco n'est pas si loin. Nous repartons dans l'autre sens et rallions doucement Isola di San Pietro où nous voulons visiter l'église San pietro del Castillo qui est la seule à posséder une stèle gravée de versets coraniques. En effet, l'Arsenal était aufrefois habité d'une population cosmopolite d'ouvriers venant entre autre de Turquie et de Syrie. Aujourd'hui c'est un dédale de friches, d'ateliers à la gloire passée qui se réveille doucement. On sent le quartier en pleine restructuration, il y a un potentiel gigantesque.






Nous pique-niquons à l'ombre des platanes du Campo San Pietro.
Une rangée de bancs rouges sert de refuge aussi bien aux vénitiens en quête de brise et d'ombre qu'aux rares touristes attirés par la beauté des lieux. Un ouvrier torse nu quémande une cigarette, une grand-mère s'allonge et s'endort sur un banc à côté de la poussette où dort déjà à poings fermés son petit fils. Au bout de l'allée, se dresse l'église qui fut un temps cathédrale et siège du patriarcat. L'Arsenal fut le premier centre religieux, politique et commercial de la ville.





balade d'un autre temps dans la cour du cloître qui jouxte l'église. Les couleurs passées de murs sont absolument fabuleuses.

Comme nous avons "perdu du temps" (mais tout est si beau !) en remontant vers le castello, nous choisissons de prendre de là un vaporetto pour San Giorgio Maggiore afin de grimper en haut du campanile et avoir une vue imprenable sur la sérénissime et le canal. Il est 14 heures et ce que nous ignorons c'est que le premier vaporetto que nous allons prendre va nous déposer au Lido où est son terminus..... Du coup pour ne pas attendre au soleil de midi, nous prenons un vaporetto jusqu'à Zattere. Sur le quai, Santa Maria del Rosario nous fait grâce de son ombre quelques minutes. Enfin nous prenons le bon vaporetto pour San Giorgio, via la Giudecca. Mais arrivées à la caisse du Campanile, nous n'avons pas assez de liquide et la carte bleue n'est pas acceptée... Nous attrapons alors un vaporetto pour San Marco, juste en face ! La cohue et la chaleur sont épouvantables. Dans le dédale des rues nous finissons par trouver un distributeur, non sans mal et après avoir demandé à des vénitiens. Retour au pas de course vers le quai n°2, nous n'aspirons qu'à fuir cette foule oppressante. Enfin nous voilà sur le parvis de l'Eglise. Nous la contournons tout d'abord à la recherche d'un point d'eau. Un bar installé devant la marina et qui fait face à Saint Marc nous permet de nous remettre de nos émotions.


Enfin nous abordons le campanile. Les marches ne sont pas accessibles au public, c'est un ascenseur qui nous hisse au sommet. Air doux, lumière adoucie, finalement le contre temps nous permet de profiter de la vue à 180°dans des conditions optimales. J'aperçois la foule qui se presse autour de San Marco, les gondoles alignées devant le palais des Doges. 17h30, un coup sonné à la cloche juste au dessus, nous fait sursauter de surprise. Au loin les avions se posent  sur une langue de terre, au premier plan les bateaux fendent la lagune. Nous restons une demi-heure à contempler la cité.





Six coups au clocher, nous redescendons sur terre. Le vaporetto fait un saut de puce jusqu'à Giudecca, île voisine. Nous flânons le long des quais au soleil couchant et attrapons un vaporetto qui nous fait gagner un arrêt pour rejoindre une galerie de peinture contemporaine. Mais le lieu est sans grand interêt. Nous préférons longer les quais, admirant les hangars transformés en loft, tombant par hasard sur la prison pour femmes... C'est l'heure où les vénitiens flânent au bord du canal, où les pêcheurs se découpent sur le soleil couchant, où les terrasses des bars se remplissent. 




la prison pour femmes
Nous décidons de rentrer diner à l'appart de gnocchies, roquette, parmesan et melon. Le chemin du retour en vaporetto est un régal à cette heure du jour où les facades rivalisent de beauté dans le soleil couchant. Toutes les nuances d'oranger déteignent sur la peau des vénitiens dont le bronzage doré témoigne d'une luminosité unique au monde.

Vendredi 3 août

Aujourd'hui notre destination est l'île de San Erasmo, vignoble et potager de Venise qui possède aussi une petite plage à côté du Fort,  très prisée des vénitiens. Nous prendrons 3 vaporettos depuis l'appartement pour rallier l'île, le dernier, le 13, se faisant attendre. Il n'y a pas foule pour se rendre dans ce coin de la lagune ! Nous contournons San Michele, le vapo fait halte à Murano puis à Vignolle et enfin à San Erasmo. Il est presque midi quand nous prenons le sentier qui traverse l'île dans sa partie la plus étroite, de l'arrêt du vaporetto à la plage du fort. Il fait chaud mais dès que nous apercevons la guinguette vue dans le film de Téchiné "impardonnable" et les premiers parasols, nous savons que la baignade est à portée de main !






L'endroit  est à la hauteur de nos espérances. Des familles entières avec parasol et glacière, tables et transats sont installées pour la journée. Les bateaux à moteurs sont alignés en rang d'oignons, à quelques mètres de la plage. La guinguette propose une terrasse ombragée par des acacias. Le café est à un euro et l'on peut déguster pizzas, encornés à l'encre et polenta, artichauts et autres spécialités. C'est un paradis caressé par la brise, l'eau est à 28°. On est loin de la foule et des plages du lido dont on aperçoit l'autre extrémité, celle de la gare des ferries et du grand chantier de la lagune. Nous profitons allègrement de la baignade et nous amusons des péripéties de deux familles amies avec petits enfants jouant dans l'eau à marée basse. Vers 16 heures, les plus petits sont rincés à l'eau douce contenue dans le bateau et installés à l'abri du soleil pour la sieste.









Nous décidons de revenir le lendemain. Pour l'heure, nous repartons dans l'autre sens pour prendre le vapo jusqu'à Murano. Nous avons un peu abusé du soleil aux heures les plus chaudes !
Dans l'île, nous choisissons les rues ombragées quittent à traverser le canal pour fuir le soleil encore chaud. Nous errons sans regarder le plan et nous retrouvons bientôt dans un cul de sac, au milieu du quartier résidentiel ouvrier, derrière les fornace où l'on travaille le verre.





Il est l'heure de boire un spritz au bord du canal, et je déguste en prime une délicieuse assiette de poissons et poulpes.


Retour sur Venise par le vapo 4.1 que nous attendons un petit moment. Le gros avantage ici, c'est que l'attente, en bord de canal, ne lasse pas. Il y a toujours quelque chose de beau à regarder. La couleur de l'eau, la houle au passage des bateaux, les maisons aux tons rouges et ocres, les vénitiens qui s'interpellent, les groupes de touristes désorientés. Partout et tout le temps, la beauté du lieu, sa richesse de couleurs, de lumière, ses prouesses architecturales.







La traversée de la lagune à nouveau, et comme la lumière n'est plus la même, le paysage se pare d'autres atours. Changement de vapo à la gare, et j'observe le sourire sur le visage des touristes qui descendent du train.
A san Staé nous descendons. Nous sommes dans notre quartier et nous y dînons dans un petit restaurant. Au menu  : seiches et polenta, tagliatelle bolognaise et toujours le petit vin blanc maison. Avant de rentrer nous coucher, nous allons jeter un oeil sur le canal histoire de voir se croiser les bateaux sous le ciel bleu marine où commencent à briller les étoiles.

Samedi 4 aôut

Je n'ai pas beaucoup dormi cette nuit. L'espresso de 16h devait y être pour quelquechose.
Le réveil est programmé à 7h pour que nous puissions profiter pleinement de cette dernière journée. Nous quittons l'appartement vers 8h et refaisons le même circuit en vaporetto de San Staé à Ferrovia et de Ferrovia à F. Nove. Là nous ne partons pas directement pour San Erasmo mais pour Burano. A cette heure encore matinale, le vaporetto est presque vide.
Nous profiterons des jolies couleurs des maisons de l'île des dentellières dans les meilleures conditions. Les vieux sont encore sur le pas de leur porte ou quelque part entre le marché et la maison. Les cafetiers préparent les tables, les boutiques de souvenirs sont désertes. Nous réussissons même à photographier des rues entières de maisons multicolores sans un seul touriste dans l'objectif.
Alors que nous cherchons en vain une boulangerie, nous entrons dans une toute petite épicerie tenue par une dame qui devrait être à la retraite depuis longtemps. Pas de clim dans sa minuscule boutique où le grand frigo rejette en plus de l'air chaud. Elle sert des clients aussi âgés qu'elle. Nous lui achetons une boite de biscuits et comme nous hésitons, elle va même jusqu'à faire ouvrir un carton par une clientèle pour nous satisfaire. Adorable grand-mère ébouriffée par la chaleur, qui tape le prix des biscuits sur une antique caisse enregistreuse dans le boucan infernal du refrigérateur en surchauffe et du bavardage incessant qu'elle entretient avec sa fidèle clientèle !















A 11h, les cloches se mettent à sonner à toute volée. Une procession suit un cercueil et se dirige vers l'église toute proche. La place est écrasée de soleil.


Nous reprenons le chemin du quai pour rallier San Erasmo via Murano.




 Le vaporetto que nous prenons déverse sur la petite île une pleine fournée de touristes. Il était temps de quitter les lieux.
Comme le vapo accoste sur une autre rive de Murano, nous arriverons à  San Erasmo en ayant fait le tour de  l'île. Nous découvrons ainsi les vignobles, les vergers et la villa qui a servi de décor au film de Téchiné.


A Cappadonne, nous marchons en direction du fort sous un soleil de plomb. Il y a davantage de bateaux que la veille, week end oblige. Nous profitons longuement de la baignade puis allons commander notre déjeuner à la guinguette. Artichauts, gros haricots blancs en salade, calamars à l'encre et polenta qui me faisaient de l'oeil la veille et petit verre de prosecco. Il fait très bon à l'ombre des acacias.

bon, tous  les couverts sont en plastique sauf le verre...  je suppose qu'ils manquent de personnel pour la plonge, mais c'est bien dommage quand même...

 A côté de nous, une table de 6 italiens ouvrent bouteille sur bouteille de prosecco qu'ils sortent une à une de leur glacière.  Ils parlent fort, rient, interpellent leurs voisins de table. Nous ne comprenons pas un traitre mot et c'est sans doute mieux ainsi surtout à mesure que les bouteilles se vident...
Pendant que K. s'endort sur le banc, je poursuis la lecture du roman de Maud Tabachnik qui me plonge dans le Venise du 16e siècle. Par moments je lève le nez de mon roman pour regarder ce paysage unique que je vais bientôt quitter. Je savoure.
Vers 16h, nous nous baignons une dernière fois avant de reprendre le chemin du vaporetto et de Venise.
Sur le quai, j'écris ces lignes en regardant la lagune. Je reconnais au loin Burano, ses maisons multicolores et son campanile penché.
A Murano, nous allons remplir notre bouteille d'eau à une fontaine avant d'attraper le vapo n°3 qui nous ramène directement à Ferrovia.  Nous sommes installées à l'arrière, dans le bruit du moteur mais cette fois nous n'inhalons pas les gaz d'échappement qui nous avaient barbouillées la veille car c'est une ligne express qui rallie sans escale Murano Faro/Ferrovia.
Plutôt que d'attendre le 1 pour San Staé, nous choisissons de refaire, comme le soir de notre arrivée, le trajet à travers les ruelles et les ponts entre la gare et l'appartement.
Une douche plus tard, nous achetons une machine à pâtes et quelques provisions de bouche à ramener en France.
Puis nous nous installons en terrasse du petit bistrot proche de l'appart dans lequel nous avons déjà bu un café un matin. Nous commandons cette fois un spritz. Autour de nous, des vénitiens qui profitent de la douceur du soir. Alors que nous commandons une deuxième tournée, le patron nous offre une boulette de viande à la sauce tomate pour accompagner nos boissons. Nous trainons là, béates, ivres du soleil de la journée et des boissons légèrement alcoolisées. Difficile de se dire que le séjour est quasi arrivé à son terme.


Nous grignotons melons et gressins à l'appart. C'est notre dernière soirée,  nous prenons le vaporetto de nuit, ligne 1, celui qui remonte le grand canal jusqu'au lido. Nous descendons place Saint Marc pour constater qu'il n'y a guère moins de touristes à cette heure.



Si à l'aller le trajet a été fort agréable sur un vaporetto quasi vide, appuyées au bastingage à admirer les palais aux volets un peu trop fermés à notre goût (mais peut-être est-ce normal au mois d'aout),  le retour se fait dans la lumière criarde des néons au milieu d'une foule de touristes surexcités. Nous descendons dans un grand soupir de soulagement à l'arrêt du rialto mercado où nous avions pu constater tout à l'heure que de nombreuses personnes étaient installées au bord du canal, verre à la main. Nous dénichons un petit coin entre deux arcades et débouchons la bouteille de prosecco qui tiédit dans le sac de K.
Nous sommes au milieu de la jeunesse dorée de Venise qui sort le samedi soir avec le bateau à moteur familial. Nous nous amusons à regarder les manoeuvres d'accostage, bateaux garés les uns contre les autres comme nous garons nos voitures en double voire triple file. Il faut sacrément avoir le pied marin pour se tenir en équilibre instable sur le bateau à amarrer, réfléchir à la façon de faire pour éviter les chocs entre les coques, tout ça en étant légèrement pris de boisson.... Au loin, je vois s'engouffrer dans un canal une vedette de la Police. Y a t-il des contrôles d'alcoolémie à Venise ? Un jeune homme qui court pied nus perd son portefeuille, un autre démarre son bateau à plein régime et décrit une courbe d'écume superbe pour épater la galerie.
La lune brille en face de nous, l'eau du canal clapote sur les pierres des fondamenti, l'air est toujours aussi doux...
Nous revenons par les ruelles, battant pour la dernière fois de nuit, le pavé vénitien.

Dimanche 5 août

 A 7h, une volée de cloche finit de me réveiller. Puis j'entends la radio des nouveaux locataires de l'appart mitoyen. France Inter. Bon sang, mais suis-je encore à Venise ?
Notre train est à 12h50, nous prenons le temps de ranger notre valise avant de sortir boire un espresso dans le quartier. A part quelques touristes égarés, ou ceux qui se rendent à la gare, nous ne voyons qu'un défilé de vénitiens qui se saluent. La moyenne d'âge tangue dangereusement entre 70 et 80 ans...
Nous retournons chercher notre valise et claquons une dernière fois la porte du studio. Comme il nous reste un peu de temps avant de rallier la gare, nous nous installons à l'ombre d'un banc del Campo San Giacomo del Orio.



Il y a beaucoup de monde ici en fin de matinée mais toujours essentiellement des vénitiens. Des familles entières, des vieux qui s'interpellent autour du petit potager du quartier. L'un regarde les légumes qui y poussent, l'autre redresse les étiquettes, gratte la terre. Nous observons un long moment cette valse bien rôdée du dimanche, imprimons dans nos rétines la couleur des murs.
Le retour vers la gare se fera sous un soleil de plomb mais nous attendrons encore un peu avant d'entrer dans le bâtiment. J'ai du mal à quitter ce paysage de canaux et de bâtisses roses.

Assise dans la voiture 6 du train qui nous déposera tout à l'heure à Milan, je suis pour la première fois depuis que je voyage très triste de quitter une ville. Je projette déjà d'y revenir, de trouver un appartement dans la Canareggio si c'est une saison où nous pourrons profiter de la plage de San Erasmo ou dans le Dorso Duro si c'est au printemps ou à l'automne.
J'ai tout aimé dans cette ville jusqu'à sa chaleur estivale qui en incommode plus d'un.
J'ai été soufflée par la beauté de chaque pierre, chaque porte. Les églises sont d'une richesse infinie, la couleur de l'eau, opaline, est inoubliable. C'est une ville à taille humaine où rien n'est comparable à ce que nous connaissons en Europe. Un lieu chargé d'histoire, sans le bruit et la pollution des voitures, où règne une atmosphère unique, où l'on avale la beauté par bouchées gourmandes sans jamais être rassasié. La Place Saint Marc est difficile d'accès, trop de monde, trop de bruit. Ce n'est décidément pas cette venise là qui m'a séduite, mais je ne demande qu'à y revenir encore et encore jusqu'à trouver le moment qui la révèlera dans toute sa splendeur. Et puis les transports en commun sont d'un tel dépaysement ! Quel bonheur en été, comme nous  l'avons fait, de quitter Venise pour caboter vers les îles. Attendre le vapo sur un quai désert, tanguer au rythme du ressac et se dire qu'il ne viendra jamais rien que pour nous ! Le voir enfin, toujours à l'heure, il n'y a pas d'embouteillage sur  la lagune ! Regarder les pêcheurs échoués à marée basse, les oiseaux perchés, sentir la brise. Rire de la jeunesse qui trace à toute allure sur la lagune, musique à fond les ballons. Déguster un spritz au soleil couchant et voir les couleurs des murs s'accorder au breuvage, regarder les enfants courir en traversant les rues, suivre le mouvement d'un gondolier qui évolue en silence jusqu'à ce qu'il croise un confrère. Il y a tout ce que j'aime à Venise, la culture, l'histoire, la ville et l'eau, et quelle eau !! Et quelle ville !!! Bref je suis sous le charme, mordue, toquée de Venise et infiniment triste de partir.




L'arrivée à Milan change radicalement la donne, bien que la ville soit quasi déserte en ce dimanche d'aout. Nous déposons la valise à l'hôtel tout proche de la gare et prenons le métro pour rejoindre au sud de la ville les canaux qui nous manquent déjà tant.




 Mais à 17h ce quartier de la ville est désert.
Je shoote quelques fenêtres et une scène de tournage improvisée sur un pont.
Je propose de remonter vers le centre historique, le Duomo, la galerie Victor Emmanuel, la statue de Léonard de Vinci, la Scala. Nous voilà à courir les monuments historiques sous un ciel orageux qui menace.











Nous achetons une valise cabine dans la rue piétonne histoire de ne pas payer un supplément pour surpoids de bagages demain à l'aéroport (grapa, spritz, prosecco, pâtes+machine à pâtes, huile d'olive, parmesan etc... achetés à Venise sont venus alourdir notre valise....). Puis nous nous perdons dans les grandes artères luxueuses où les enseignes de couture, bijoux, bagagerie de luxe se succèdent dans une débauche de vitrines plus riches les unes que les autres. Les immeubles sont hauts, l'architecture austère ou baroque.

un fouillis de vieille mercerie jonche un trottoir en face des boutiques de prêt à porter de luxe
Lasses et affamées, nous reprenons le métro pour le quartier de la gare et contre toute attente trouvons une trattoria ouverte. La pluie ne nous empêche pas de dîner en terrasse de pâtes, de pecorino+miel et de tiramisu.
A l'hôtel, nous nous amusons à zapper les chaînes italiennes jusqu'à tomber sur une rediffusion du Prince et la Danseuse avec une Marilyn déroutante car doublée en italien. Aujourd'hui, cela fait 50 ans qu'elle est morte. Les vacances italiennes sont finies, le temps a repris son cours, les news nous rattrapent...



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